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Prévention des crues -
Inondations
Les
inondations survenues les 8 et 9 septembre derniers dans le Sud-Est de la
France et plus particulièrement dans notre département du Gard nous interpellent.
Ce nouvel épisode nous impose un retour en arrière historique marqué par de
tragiques catastrophes en matière de crues.
Une
situation météorologiquement comparable s’est
produite en 1958, les 29/30 septembre et 3/4 octobre avec un débit des pluies
de 300 mm en 24h. Pour ne faire référence qu’aux épisodes les plus importants
et les plus violents (si tant est que nous puissions en avoir une appréciation
objective) Nîmes a connu le 03 octobre 1988 en 6 heures plus de 420 mm d’eau.
Nous ne pouvons pas ignorer non plus, en septembre 1992, aux portes de notre
département, Vaison la Romaine qui s’est vu ravagée
en moins de 5 heures. A la station météorologique du Mont Aigoual et depuis
1900, il y a eu 52 épisodes pluvieux de plus de 400 mm, 20 de plus de 600 mm et
10 de plus de 800 mm.
2002 sera malgré elle une année record en termes d’intempéries et
d’inondations affichant jusqu’à 687 mm d’eau en 24 h (relevé Météo France sur
Anduze). La quantité d’eau tombée en deux jours a été spectaculaire de par son
étendue sur le département. Ce record a tristement occasionné des pertes
matérielles, économiques et humaines considérables. Et pourtant, à l’Aigoual le
9 septembre…il n’est tombé que 125 mm d’eau, ce qui illustre bien la difficulté
de localiser la chute d’eau et le bassin versant concerné,
125 mm à l’Aigoual, mais 687 mm à Anduze.
Dans le Gard, 299 communes ont été déclarées à l’état de
Catastrophe Naturelle. De nombreux bâtiments ont été endommagés voire détruits,
le secteur agricole déplore 40% de son vignoble gardois… Sans oublier les
commerces, les industries et autres activités commerciales.
En 1999, dans un document de la D.D.E. intitulé " Atlas
des zones inondables du Gard ", et à destination de toutes les
communes, nous avons constaté que 96,60 % des communes gardoises ont déjà été
déclarées en "Catastrophe Naturelle", que certaines telles que Bagnols sur Cèze, Beaucaire, Génolhac, Montfrin
ou encore Nîmes l’ont été jusqu’à 8 fois… Ces informations datent de 1999,
rappelons le.
La
répétition de ces évènements dans nos régions affecte de plus en plus les
habitants. Les questions financières une fois réglées (avec plus ou moins
d’équité) laissent place aux difficultés psychologiques. Aujourd’hui, une
simple annonce d’averse inquiète mais paradoxalement une alerte météo de niveau
3 (ou orange selon la codification) ne fait pratiquement pas réagir. On
constate que les jours d’alerte les gens sont à l’extérieur dans leur véhicule
et qu’aucune mesure n’est prise pour affronter d’éventuelles précipitations
exceptionnelles. La notion de risque n’existe pas et l’inquiétude apparaît
lorsqu’il est trop tard.
Faut-il
rappeler qu’en septembre plus de 4000 véhicules ont été déclarés hors d’usage
dans le département dont 1500 voitures noyées entre Alès et Nîmes. A titre
indicatif, il y a eu 1500 hélitreuillages, la plupart dans la nuit. Le constat
est sans équivoque : les habitants des zones inondées n’ont pas eu le
temps de réagir et se sont laissés piéger soit dans leur voiture (lieu le moins
sûr en cas d’inondation) soit dans leur maison. N’oublions pas qu’il y a eu 22
morts !
Huit
alertes Orange ont été annoncées en 2002, deux depuis le mois de septembre…Une
alerte Rouge a été déclarée lors de l’épisode des 8 et 9 septembre. Les
questions abondent.
Devant
tant d’alertes, les gens ne savent pas vraiment comment considérer le risque.
Ces alertes ont-elles raison d’être ? La précision des prévisions est-elle
avérée ? Pouvons-nous prévoir les grandes crues ? Et surtout
pouvons-nous mettre en place un système d’alerte fiable et efficace ?
Fiable par son approche de plus en plus aiguisée vers la réalité des phénomènes
météorologiques, efficace auprès des gens et de leurs capacités à réagir et
prendre les mesures qui s’imposent.
La
comparaison est souvent faite avec les Territoires et Départements d’Outre-mer
où la notion du risque liée à un cyclone est enseignée dès l’école. Pour
connaître cette procédure liée au cyclone, la différence fondamentale avec le
« phénomène cévenol » est la difficulté de prévision de la quantité
d’eau qu’il va tomber. Un cyclone avance à la vitesse d’environ 20 km/heure même si les vents qui le forment tournent à plus
de 200 km/heure. Son itinéraire est défini de façon
précise et permet de préparer son passage. Chez nous avec le phénomène cévenol,
on ne peut savoir s’il va tomber 300 mm d’eau ou 800 mm d’eau, à quel endroit
et sur quelle durée, d’où la difficulté de l’alerte. La prévision de l’alerte
des crues rapides nécessite encore beaucoup de moyens intellectuels et
financiers.
Définissons
la nature du risque inondation pour mieux mettre en avant les mesures prises
pour le réduire et prendre conscience d’un « risque acceptable » car
le risque 0 ne peut exister.
Cette
étude montre les difficultés, les limites mais aussi les possibilités
scientifiques, politiques et humaines que nous pouvons et que nous devons
envisager ensemble. Face aux outils technologiques dont disposent les
météorologistes et à leurs utilisations en matière de prévision des crues,
quelques questions se posent. Notre objectif est sans prétention. Ces
interrogations tendent à mettre en lumière les moyens scientifiques et
politiques qui peuvent être mis en oeuvre et de signifier les domaines de
compétence.
La
première de nos interrogations porte sur la prévision des crues et leur débit.
Est-il possible de prévoir de fortes pluies, la quantité d’eau à tomber et la
vitesse de montée des eaux ainsi que la durée ? Peut-on mettre au point
des systèmes d’alertes plus sûrs et plus précis que ce qu’ils sont aujourd’hui ?
Météo France, nous le savons, est équipé de modèles de prévision reconnus pour
leurs compétences tels que Arpège, modèle de prévision numérique. D’après ces
données, que peut prévoir Météo France sur la gravité et la durée du
phénomène ? C’est la question clé. Notre modèle Arpège est-il le plus
efficace ou existe-t-il d’autres systèmes de prévision de temps, comme celui
utilisé pour l’aviation civile et intitulé AVN (AViatioN).
Un
centre national hydrométéorologique prévu pour 2003 s’installerait à Toulouse.
Madame Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre de
l’Ecologie et du Développement Durable annonce cette création pour 2003 qui,
selon elle, renforcerait les liens entre les services de prévision des crues et
Météo France. Mais pourquoi donc à Toulouse ?
Est-il
encore envisageable de changer le lieu d’implantation et que ce centre soit
plus proche des "Orages Cévenols". Nous souhaitons avoir des
explications sur ce projet. Où en est-il exactement dans sa programmation que
nous estimons ambitieuse pour l’assumer en 2003, sachant qu’à ce jour rien
n’est amorcé.
A
la suite des inondations de l’Aude en 1999, un volumineux rapport très
instructif sur les crues liées au phénomène cévenol a été élaboré par
l’Inspection Générale du Ministère de l’Environnement, rapport très actuel où
le mot Gard pourrait remplacer le mot Aude. Ce rapport prévoyait la création
nécessaire d’un centre hydrométéorologique….à Montpellier. Rien n’a encore été
fait. Alors pourquoi ne pas appuyer la demande formulée par le maire de Nîmes et
relayée à Bruxelles auprès du Commissaire Européen Michel Barnier,
de créer à Nîmes une sorte de Bureau Européen de Prévention des Risques puisque
historiquement, le Gard est le plus concerné par les risques liés au phénomène
cévenol, et il faut accélérer le développement d’une réelle culture du risque
hydrométéorologique qui n’existe pas.
Lorsque
les scientifiques sauront prévoir les crues avec précision tant sur leur
importance que sur leur date d’apparition, nous appréhenderons mieux les
démarches administratives de gestion du risque. Certaines évidences semblent
s’imposer. Il s’agit de renforcer les liens entre les différents services
locaux et nationaux lors d’une alerte et de la mise en place d’un dispositif
d’intervention. Hiérarchiser la circulation des informations entre les centres
de traitement des bulletins météorologiques et les personnes concernées.
Peut-on réduire le nombre d’intermédiaires entre l’information météo et la
communication publique de l’alerte ? Les étapes administratives et protocolaires
semblent trop longues. Rappelons qu’en septembre dernier, certaines personnes
n’ont pas reçu l’information d’alerte ou beaucoup trop tard. Ainsi certains
maires, ont été portés responsables de leur détresse alors qu’ils ont
appréhendé le problème avec leurs ressources propres sur la seule expérience
qu’ils avaient de gérer ce type de situations hors normes.
Qui
peut ou doit prendre la responsabilité d’intervenir auprès de la
population ? Le problème est également technique. Certaines lignes téléphoniques
ne répondent plus lors d’importantes inondations et les liaisons entre
différents services territoriaux ne s’effectuent pas correctement. Peut-on
envisager de créer un centre sécurisé qui centraliserait les informations et
les communiquerait en cas de coupure de téléphone ou d’électricité ? Cette
mesure offrirait une assurance sécurité dans le cas de catastrophes avérées. La
dotation en téléphones satellitaires est envisagée mais se pose la réservation
de faisceaux lors des communications car l’utilisation de ces appareils
implique des dispositions particulières.
Ces
questions s’adressent aux Ministres compétents et aux administrations locales
qui doivent réagir dans l’intérêt de tous et ce rapidement. Comment remédier et
mettre sur les mêmes fréquences radio les services présents sur le terrain, qui
font en pareil cas un travail exemplaire avec des risques multiples (Pompiers,
Gendarmes, Police Nationale et Municipale, Protection Civile, Equipement….).
Lorsque
la situation d’alerte est confirmée, il faut adopter des mesures sécuritaires
accessibles à tous. Notre département compte 623 125 habitants mais aussi
des touristes et étrangers en séjour à court ou moyen terme. Si l’on s’adresse
aux personnes concernées par les inondations, il faut prendre en considération
leurs différences. Un habitant natif du Gard n’a pas la même approche qu’un
nouvel arrivant ni qu’une personne de passage et les évènements du 9 septembre
nous l’ont montré, le plus prudent est bien souvent celui qui ne connaît pas le
terrain et ne veut pas prendre de risques.
Avec
la mise en place d’un système codé de niveaux d’alerte national voire européen
et des mesures à prendre en fonction de l’importance de ces niveaux, nous
assurons à tous une sécurité optimale. Mais peut-on
créer un langage universel applicable à tous et dans toutes les régions de
France ? La question est posée.
Un
système au point doit faire l’objet d’un accord avec les médias. Nous avons
constaté que la presse quotidienne régionale (Midi Libre, La Marseillaise, La
Gazette, Nîmes Matin…) a pris en charge les évènements du passé et leur
projection dans l’avenir. Nous avons apprécié la mobilisation de France Bleu
Gard Lozère et France Bleu Hérault lors des dernières inondations et nous commençons à voir des bulletins météorologiques télévisés de
plus en plus précis qui font état des niveaux d’alerte. Mais ces interventions
ne sont que ponctuelles et restent dans les créneaux horaires définis par la
chaîne.
Nous
proposons la mise en place de points informations météorologiques par messages
radios et par bandeaux d’annonces télévisées pour qu’à tout moment, où que l’on
se trouve, nous puissions recevoir l’alerte. Pouvons-nous étendre cet accord
aux opérateurs de téléphones portables qui pourraient envoyer ces alertes par
SMS ? Des municipalités ont déjà mis en place de tels systèmes. Ne
pourrions-nous pas non plus envisager des systèmes communaux d’annonce avec la
sirène de la caserne des pompiers, tel que l’exercice du 1er
mercredi de chaque mois nous le rappelle ou par hauts parleurs dans les
rues ?
De
nombreuses solutions sont possibles, encore faut-il les considérer ; la
technique aujourd’hui permet de concrétiser ces projets. Pourquoi départements
et régions ne feraient pas preuve d’audace et d’imagination.
Parallèlement,
il nous semble important de tracer une carte des voies praticables en cas de
fortes pluies. Ce document remis à tous pourrait être d’un précieux secours
lorsque nous sommes bloqués dans des communes inondables. Dans la même pensée,
nous pourrions aménager des zones refuges en cas de nécessité de quitter son
domicile ou son automobile. Des gymnases et autres bâtiments publics sont
réquisitionnés dans de telles circonstances mais il faudrait l’affirmer et
informer la population des lieux où se réfugier en cas de danger. Ces cartes du
risque permettraient de le concrétiser.
De
plus, pour ne jamais oublier les violences du passé et pour laisser chez les
gens une mémoire du risque, nous proposons d’annoter les bâtiments sinistrés et
d’indiquer les marques de laisse des crues, en zone non bâtie où les hauteurs
ont été considérables.
Ces
interrogations et ces éléments de réponses sont une contribution à cette
réflexion pour ne pas revivre un drame comme nous venons de le vivre. Il est
important d’avoir une meilleure appréhension des risques naturels afin de les
affronter. Notre démarche repose sur la définition du risque dans son existence
réelle, dans la confirmation d’un risque acceptable et dans la mémoire du
risque. Servons-nous du passé pour mieux apprécier l’avenir. Pour retrouver une
qualité de vie propre aux charmes de notre région, pour ne plus vivre dans
l’angoisse ni dans l’insouciance, il est de notre devoir de prendre ces
initiatives et de montrer notre détermination.
Certes,
on peut toujours déposer des propositions de Loi mais plus de 20 ans de vie
parlementaire m’ont montré que seule la détermination manifestée amènera des
solutions car les textes actuels s’ils sont bien maîtrisés, donnent un cadre
suffisant (voir recueil Jurisques). Il n’y a qu’à se
documenter pour découvrir que des rapports multiples ont été écrits tant au
niveau des ministères concernés que des commissions parlementaires, le
« phénomène cévenol » qui nous occupe est connu, détaillé,
disséqué ; on possède des certitudes et les incertitudes nous interpellent
mais il ne faut pas que le temps qui passe nous fasse oublier que cette culture
du risque doit nous habiter. Un dernier exemple, pourquoi vouloir créer des
commissions alors qu’existent aujourd’hui sur la plupart des bassins versants
des S.A.G.E (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux) qui regroupent les
représentants de l’Etat, des collectivités locales concernées et des
Associations. Ils pourraient être les lieux de discussion et de proposition par
une cohérence complète dans les aménagements en amont et en aval ainsi que dans
la mise au point des procédures particulières. Alors, de la détermination, de
l’imagination, n’attendons pas que l’initiative vienne de l’autre ou d’en haut.
Au
travail !
Liste des rapports
consultés :
-
Rapport de l’inspection générale de l’environnement sur les crues des 12-13-14
novembre 1999 dans l’Aude (Rapport Leffrou)
-
Retour d’expérience sur la gestion post catastrophe (Bruno Lecoux)
-
Rapport d’inventaire des désordres provoqués par les inondations de 1999 (Diren –Cete Méditerranée)
-
A l’épreuve d’une catastrophe (Pierre Vidal-Naquet,
Francis Calvet)
-
Rapport du député Yves Dauge (Yves Dauge est aujourd’hui sénateur)
-
Inondations brutales